samedi 25 février 2012

Les César 2012 se métamorphosent, mais pas trop quand même

Chaque année, c'est la même rengaine. En préambule des Oscar du cinéma, la cérémonie la plus prestigieuse du 7ème art français livre son verdict. Comme d'habitude, il y a des heureux (beaucoup), des déçus (nombreux), des polémiques (toujours), des pleurs (sincères?), de l'ennui (forcément) et du rire (réussi... ou pas).

Ce cru 2012 fit honneur à son héritage. Antoine de Caunes, maître de cérémonie rock'n'roll et résolument provoc', a tapé l'incruste dans les films nommés, proposé des joints aux perdants et nous plaçait sans subtilité son running-gag acide à l'encontre du gouvernement. Exit la culotte de Sara Forestier, la sensation charme de cette édition se nichait au creux du décolleté plongeant d'une Kate Winslet hilare devant le discours savoureux de Michel Gondry. Kad Merad s'est de nouveau octroyé la place convoitée de boulet de la soirée dans une belle chute improvisée (hum). Julie Ferrier nous a prouvé, avec une exquise prestation (après 2009), qu'elle était la valeur sûre comique de l'émission, et Mathilde Seigner qu'elle était fatalement le pendant féminin de Gérard Depardieu. Mathieu Kassovitz s'est glissé dans la peau de l'invité surprise venu « honorer sa promesse », dans une apparition très inspirée quelques jours après avoir dit « enculer le cinéma français » sur Twitter. Sur la forme donc, la recette est gagnante et s'est vue, à juste titre, récompensée de sa meilleure audience historique (3,9 millions de téléspectateurs).

Sur le fond, il y aurait beaucoup à redire sur le palmarès de cette 37ème édition. Polisse, en tête des nominations, n'est repartie qu'avec 2 statuettes (Meilleur espoir féminin, Meilleur montage), là où attendait au moins le César du meilleur réalisateur ou du meilleur film (en garde alternée avec The Artist). Drive, grand oublié de l'année, s'est de nouveau fait moucher - certes, par Une Séparation qui n'a pas volé son titre de Meilleur film étranger - et La Guerre est déclarée est rentrée bredouille. The Artist, avec 6 César dont Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleure actrice, entre un peu plus dans la légende du cinéma (en attendant les Oscar dimanche), au grand dam de ses détracteurs. L'Exercice de l’État a joué l'outsider en raflant 3 prix dont celui du Meilleur scénario et du Meilleur second rôle masculin, comme Angèle et Tony qui s'est offert le double prix du Meilleur espoir masculin et féminin.

La vraie controverse provient, bien sûr, de la victoire d'Omar Sy dans la catégorie Meilleur acteur. Ce n'est pas tant sa victoire qui alimente les débats les plus passionnés, mais plutôt l'échec de Jean Dujardin, qui se voit privé de sa statuette dans un esprit si français de contradiction. La première embûche, prévisible, d'un parcours sans faute et d'un grand chelem unique qui devait comprendre Festival de Cannes-Golden Globe-Bafta-Goya-César-Oscar. A l'évidence, la surmédiatisation excessive et la Dujardin-mania ont lassé les votants qui ont préféré salué la performance d'un acteur qui porte sur ses épaules Intouchables et ses quelques 19 millions de spectateurs. Qu'on ne s'y trompe pas, Omar Sy mérite son prix ; Dujardin le méritait juste un peu plus.

Derrière cette récompense, il faut déceler le premier coup d'éclat d'un nouveau virage (et visage) pour les César. On a souvent reproché à la cérémonie de récompenser le genre dramatique, de ne soutenir que des films confidentiels en repoussant systématiquement toute once de succès public. La comédie, longtemps oubliée, avait timidement retrouvé des couleurs l'année passée avec les nominations multiples de l'Arnacoeur et du Nom des Gens. Le classicisme, tant décrié, laissait enfin place à un vent de fraîcheur et de spontanéité. Le couronnement d'Omar Sy inscrit définitivement les César dans une optique résolument plus populaire. Une façon de se rapprocher de l'essence même du 7ème art : partager de l'émotion, un voyage, un instant, un rêve avec son public. Ce spectateur, c'est lui la muse du cinéaste. C'est lui, le juge suprême, qui décide si tel ou tel film restera dans la postérité. Sa sélection n'est pas toujours objective, parfois même cruellement injuste, mais toujours honnête et sincère. Et c'est probablement ce spectateur qu'ont voulu récompensé ces César au travers de ce sacre.

Alors dans une année 2011 exceptionnellement riche pour le cinéma français, il faut saluer un millésime porté par l'excellence et tourné vers l'avenir.

Comme l'a brillamment souligné Antoine de Caunes en conclusion de cette belle soirée :
«
Gloire aux vainqueurs, honneur aux vaincus ».

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Le Palmarès complet



Meilleur espoir féminin (remis par Tahar Rahim)

GAGNANTE EX-AEQUO : Clotilde Hesme dans Angèle et Tony

GAGNANTE EX-AEQUO : Naidra Ayadi dans Polisse

Adèle Haenel dans L'Apollonide, souvenirs de la maison close

Céline Sallette dans L'Apollonide, souvenirs de la maison close

Christa Theret dans La Brindille


Meilleur acteur dans un second rôle (remis par Mathilde Seigner)

GAGNANT : Michel Blanc dans L'Exercice de l'Etat

Nicolas Duvauchelle dans Polisse

Joey Starr dans Polisse

Bernard Le Coq dans La Conquête

Frédéric Pierrot dans Polisse


Meilleurs costumes (remis par Helena Noguerra)

GAGNANT : L'Apollonide

My Little Princess

The Artist

La Source des femmes

Les femmes du 6e étage


Meilleurs décors (remis par Helena Noguerra)

GAGNANT : The Artist

L'Apollonide

Les Femmes du 6e étage

L'Exercice de l'Etat

Le Havre


Meilleur film d'animation (remis par Alexandre Astier)

GAGNANT : Le Chat du rabbin de Joann Sfar et Antoine Delesvaux

Le Tableau de Jean-François Laguionie

Le Cirque de Nicolas Brault

Un monstre à Paris d'Eric Bergeron

La Queue de la souris de Benjamin Renner


Meilleur espoir masculin (remis par Aure Atika)

GAGNANT : Grégory Gadebois dans Angèle et Tony

Pierre Niney dans J'aime regarder les filles

Nicolas Bridet dans Tu seras mon fils

Guillaume Gouix dans Jimmy Rivière

Dimitri Storoge dans Les Lyonnais


Meilleur premier film (remis par Sylvie Testud)

GAGNANT : Le Cochon de Gaza de Sylvain Estibal

17 filles de Muriel et Delphine Coulin

Angèle et Tony d'Alix Delaporte

La Délicatesse de Stéphane et David Foenkinos

My Little Princess d'Eva Ionesco


Meilleur documentaire (remis par Julie Ferrier)

GAGNANT : Tous au Larzac de Christian Rouaud

Le Bal des menteurs de Daniel Leconte

Crazy Horse de Frederick Wiseman

Ici on noie les algériens de Yasmina Adi

Michel Petrucciani de Michael Radford


Meilleure musique originale (remis par Alice Taglioni)

GAGNANT : The Artist

L'Apollonide

Les Bien-aimés

Un Monstre à Paris

L'Exercice de l'Etat


Meilleur actrice dans un second rôle (remis par Ked Merad)

GAGNANT : Carmen Maura dans Les femmes du 6e étage

Zabou Breitman dans L'Exercice de l'Etat

Anne Le Ny dans Intouchables

Noémie Lvovsky dans L'Apollonide, souvenirs de la maison close

Karole Rocher dans Polisse


Meilleur court-métrage (remis par Audrey Fleurot, Zoé Félix et Olivia Bonamy)

GAGNANT : L'Accordeur d'Olivier Treiner

La France qui se lève tôt d'Hugo Chesnard

J'aurais pu être une pute de Baya Kasmi

Un monde sans femmes de Guillaume Brac

Je pourrais être votre grand-mère de Bernard Tanguy


Meilleur scénario original (remis par Sara Forestier)

GAGNANT : L'Exercice de l'Etat

La Guerre est déclarée

The Artist

Polisse

Intouchables


Meilleure photographie (remis par Mathieu Kassovitz)

GAGNANT : The Artist

Polisse

L'Apollonide

L'Exercice de l'Etat

Intouchables


Meilleure adaptation (remis par Frédéric Beigbeder)

GAGNANT : Carnage

Omar m'a tuer

L'Ordre et la morale

La Délicatesse

Présumé coupable


Meilleur montage (présenté par Valérie Bonneton)

GAGNANT : Polisse

The Artist

L'Exercice de l'Etat

La Guerre est déclarée

Intouchables


Meilleur son (présenté par Valérie Bonneton)

GAGNANT : L'Exercice de l'Etat

Intouchables

L'Apollonide

Polisse

La Guerre est déclarée


Meilleur film étranger (présenté par Laurent Lafitte)

GAGNANT : Une Séparation d'Asghar Farhadi

Incendies de Dennis Villeneuve

Le Gamin au vélo de Luc Dardenne et Jean-Pierre Dardenne

Black Swan de Darren Aronofsky

Drive de Nicolas Winding Refn

Le Discours d'un roi de Tom Hooper

Melancholia de Lars Von Trier


Meilleur réalisateur (présenté par Julie Depardieu et Eric Elmosnino)

GAGNANT : Michel Hazanavicius (The Artist)

Maïwenn (Polisse)

Valérie Donzelli (La Guerre est déclarée)

Alain Cavalier (Pater)

Eric Toledano et Olivier Nakache (Intouchables)

Aki Kaurismaki (Le Havre)

Pierre Schoeller (L'Exercice de l'Etat)


Meilleure actrice (présenté par Gilles Lellouche)

GAGNANTE : Bérénice Béjo dans The Artist

Ariane Ascaride dans Les Neiges du Kilimandjaro

Leïla Bekhti dans La Source des femmes

Marie Gillain dans Toutes nos envies

Valérie Donzelli dans La Guerre est déclarée

Marina Foïs dans Polisse

Karin Viard dans Polisse


Meilleur acteur (présenté par Nicole Garcia)

GAGNANT : Omar Sy dans Intouchables

François Cluzet dans Intouchables

Jean Dujardin dans The Artist

Sami Bouajila dans Omar m'a tuer

Olivier Gourmet dans L'Exercice de l'Etat

Philippe Torreton dans Présumé coupable

Denis Podalydès dans La Conquête


Meilleur film (présenté par Guillaume Canet)

GAGNANT : The Artist de Michel Hazanavicius

La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli

L'Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller

Intouchables d'Eric Toledano et Olivier Nakache

Polisse de Maïwenn

Le Havre d'Aki Kaurismaki

Pater d'Alain Cavalier


César d'honneur : Kate Winslet



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