Ce cru 2012 fit honneur à son héritage. Antoine de Caunes, maître de cérémonie rock'n'roll et résolument provoc', a tapé l'incruste dans les films nommés, proposé des joints aux perdants et nous plaçait sans subtilité son running-gag acide à l'encontre du gouvernement. Exit la culotte de Sara Forestier, la sensation charme de cette édition se nichait au creux du décolleté plongeant d'une Kate Winslet hilare devant le discours savoureux de Michel Gondry. Kad Merad s'est de nouveau octroyé la place convoitée de boulet de la soirée dans une belle chute improvisée (hum). Julie Ferrier nous a prouvé, avec une exquise prestation (après 2009), qu'elle était la valeur sûre comique de l'émission, et Mathilde Seigner qu'elle était fatalement le pendant féminin de Gérard Depardieu. Mathieu Kassovitz s'est glissé dans la peau de l'invité surprise venu « honorer sa promesse », dans une apparition très inspirée quelques jours après avoir dit « enculer le cinéma français » sur Twitter. Sur la forme donc, la recette est gagnante et s'est vue, à juste titre, récompensée de sa meilleure audience historique (3,9 millions de téléspectateurs).
Sur le fond, il y aurait beaucoup à redire sur le palmarès de cette 37ème édition. Polisse, en tête des nominations, n'est repartie qu'avec 2 statuettes (Meilleur espoir féminin, Meilleur montage), là où attendait au moins le César du meilleur réalisateur ou du meilleur film (en garde alternée avec The Artist). Drive, grand oublié de l'année, s'est de nouveau fait moucher - certes, par Une Séparation qui n'a pas volé son titre de Meilleur film étranger - et La Guerre est déclarée est rentrée bredouille. The Artist, avec 6 César dont Meilleur film, Meilleur réalisateur et Meilleure actrice, entre un peu plus dans la légende du cinéma (en attendant les Oscar dimanche), au grand dam de ses détracteurs. L'Exercice de l’État a joué l'outsider en raflant 3 prix dont celui du Meilleur scénario et du Meilleur second rôle masculin, comme Angèle et Tony qui s'est offert le double prix du Meilleur espoir masculin et féminin.
La vraie controverse provient, bien sûr, de la victoire d'Omar Sy dans la catégorie Meilleur acteur. Ce n'est pas tant sa victoire qui alimente les débats les plus passionnés, mais plutôt l'échec de Jean Dujardin, qui se voit privé de sa statuette dans un esprit si français de contradiction. La première embûche, prévisible, d'un parcours sans faute et d'un grand chelem unique qui devait comprendre Festival de Cannes-Golden Globe-Bafta-Goya-César-Oscar. A l'évidence, la surmédiatisation excessive et la Dujardin-mania ont lassé les votants qui ont préféré salué la performance d'un acteur qui porte sur ses épaules Intouchables et ses quelques 19 millions de spectateurs. Qu'on ne s'y trompe pas, Omar Sy mérite son prix ; Dujardin le méritait juste un peu plus.
Derrière cette récompense, il faut déceler le premier coup d'éclat d'un nouveau virage (et visage) pour les César. On a souvent reproché à la cérémonie de récompenser le genre dramatique, de ne soutenir que des films confidentiels en repoussant systématiquement toute once de succès public. La comédie, longtemps oubliée, avait timidement retrouvé des couleurs l'année passée avec les nominations multiples de l'Arnacoeur et du Nom des Gens. Le classicisme, tant décrié, laissait enfin place à un vent de fraîcheur et de spontanéité. Le couronnement d'Omar Sy inscrit définitivement les César dans une optique résolument plus populaire. Une façon de se rapprocher de l'essence même du 7ème art : partager de l'émotion, un voyage, un instant, un rêve avec son public. Ce spectateur, c'est lui la muse du cinéaste. C'est lui, le juge suprême, qui décide si tel ou tel film restera dans la postérité. Sa sélection n'est pas toujours objective, parfois même cruellement injuste, mais toujours honnête et sincère. Et c'est probablement ce spectateur qu'ont voulu récompensé ces César au travers de ce sacre.
Alors dans une année 2011 exceptionnellement riche pour le cinéma français, il faut saluer un millésime porté par l'excellence et tourné vers l'avenir.
Comme l'a brillamment souligné Antoine de Caunes en conclusion de cette belle soirée :
« Gloire aux vainqueurs, honneur aux vaincus ».
_____
GAGNANTE EX-AEQUO : Clotilde Hesme dans Angèle et Tony
GAGNANTE EX-AEQUO : Naidra Ayadi dans Polisse
Adèle Haenel dans L'Apollonide, souvenirs de la maison close
Céline Sallette dans L'Apollonide, souvenirs de la maison close
Christa Theret dans La Brindille
GAGNANT : Michel Blanc dans L'Exercice de l'Etat
Nicolas Duvauchelle dans Polisse
Joey Starr dans Polisse
Bernard Le Coq dans La Conquête
Frédéric Pierrot dans Polisse
GAGNANT : L'Apollonide
My Little Princess
The Artist
La Source des femmes
Les femmes du 6e étage
GAGNANT : The Artist
L'Apollonide
Les Femmes du 6e étage
L'Exercice de l'Etat
Le Havre
GAGNANT : Le Chat du rabbin de Joann Sfar et Antoine Delesvaux
Le Tableau de Jean-François Laguionie
Le Cirque de Nicolas Brault
Un monstre à Paris d'Eric Bergeron
La Queue de la souris de Benjamin Renner
GAGNANT : Grégory Gadebois dans Angèle et Tony
Pierre Niney dans J'aime regarder les filles
Nicolas Bridet dans Tu seras mon fils
Guillaume Gouix dans Jimmy Rivière
Dimitri Storoge dans Les Lyonnais
GAGNANT : Le Cochon de Gaza de Sylvain Estibal
17 filles de Muriel et Delphine Coulin
Angèle et Tony d'Alix Delaporte
La Délicatesse de Stéphane et David Foenkinos
My Little Princess d'Eva Ionesco
GAGNANT : Tous au Larzac de Christian Rouaud
Le Bal des menteurs de Daniel Leconte
Crazy Horse de Frederick Wiseman
Ici on noie les algériens de Yasmina Adi
Michel Petrucciani de Michael Radford
GAGNANT : The Artist
L'Apollonide
Les Bien-aimés
Un Monstre à Paris
L'Exercice de l'Etat
GAGNANT : Carmen Maura dans Les femmes du 6e étage
Zabou Breitman dans L'Exercice de l'Etat
Anne Le Ny dans Intouchables
Noémie Lvovsky dans L'Apollonide, souvenirs de la maison close
Karole Rocher dans Polisse
GAGNANT : L'Accordeur d'Olivier Treiner
La France qui se lève tôt d'Hugo Chesnard
J'aurais pu être une pute de Baya Kasmi
Un monde sans femmes de Guillaume Brac
Je pourrais être votre grand-mère de Bernard Tanguy
GAGNANT : L'Exercice de l'Etat
La Guerre est déclarée
The Artist
Polisse
Intouchables
GAGNANT : The Artist
Polisse
L'Apollonide
L'Exercice de l'Etat
Intouchables
GAGNANT : Carnage
Omar m'a tuer
L'Ordre et la morale
La Délicatesse
Présumé coupable
GAGNANT : Polisse
The Artist
L'Exercice de l'Etat
La Guerre est déclarée
Intouchables
GAGNANT : L'Exercice de l'Etat
Intouchables
L'Apollonide
Polisse
La Guerre est déclarée
GAGNANT : Une Séparation d'Asghar Farhadi
Incendies de Dennis Villeneuve
Le Gamin au vélo de Luc Dardenne et Jean-Pierre Dardenne
Black Swan de Darren Aronofsky
Drive de Nicolas Winding Refn
Le Discours d'un roi de Tom Hooper
Melancholia de Lars Von Trier
GAGNANT : Michel Hazanavicius (The Artist)
Maïwenn (Polisse)
Valérie Donzelli (La Guerre est déclarée)
Alain Cavalier (Pater)
Eric Toledano et Olivier Nakache (Intouchables)
Aki Kaurismaki (Le Havre)
Pierre Schoeller (L'Exercice de l'Etat)
GAGNANTE : Bérénice Béjo dans The Artist
Ariane Ascaride dans Les Neiges du Kilimandjaro
Leïla Bekhti dans La Source des femmes
Marie Gillain dans Toutes nos envies
Valérie Donzelli dans La Guerre est déclarée
Marina Foïs dans Polisse
Karin Viard dans Polisse
GAGNANT : Omar Sy dans Intouchables
François Cluzet dans Intouchables
Jean Dujardin dans The Artist
Sami Bouajila dans Omar m'a tuer
Olivier Gourmet dans L'Exercice de l'Etat
Philippe Torreton dans Présumé coupable
Denis Podalydès dans La Conquête
GAGNANT : The Artist de Michel Hazanavicius
La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli
L'Exercice de l'Etat de Pierre Schoeller
Intouchables d'Eric Toledano et Olivier Nakache
Polisse de Maïwenn
Le Havre d'Aki Kaurismaki
Pater d'Alain Cavalier
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire